De la règle de proximité à la règle "le masculin l'emporte sur le féminin"
On trouve des accords de proximité sous la plume des plus grands auteurs et autrices, de même que sous la plume des lettré-e-s rédigeant des essais, jusqu'au milieu du XIXe siècle (l'accord se fait alors avec le terme le plus proche de l'adjectif dans la phrase, ce qui donne : « Que les hommes et les femmes soient belles !».)
Le passage de la règle de proximité à la règle « le masculin l'emporte sur le féminin » ne s'est pas fait d'un coup. Il y eut de nombreux débats et l'absence de règle a prévalu longtemps dans les usages.
On lit par exemple, en 1651 : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu'ils soient plus proches de leur adjectif »
(Liberté de la langue française dans sa pureté, Scipion Dupleix, Paris, 1651, p.696 - note).
Mais, en 1792 : « Article 3. Le genre masculin ne sera plus regardé, même dans la grammaire, comme le genre le plus noble, attendu que tous les genres, tous les sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles. »
(Requête des dames à l'Assemblée nationale, projet de décret, 1792).
La règle précisant que le masculin l'emporte sur le féminin finit par s'imposer pour des raisons qui ne doivent pas grand-chose à la linguistique : à cette époque, la supériorité masculine va tout simplement de soi. « Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte »
, affirmait l'abbé Bouhours dès 1675. « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle »
, complète élégamment, en 1767, le grammairien Nicolas Beauzée.
C'est la généralisation de l'école primaire au XIXe siècle qui a permis d'imposer la nouvelle règle, et de faire disparaître les autres types d'accord.
Pour aller au-delà on pourra consulter la rubrique Les accords de la Société Internationale pour l'Etude des Femmes de l'Ancien Régime.