Reconnaître les COI et les COS
Oraison funèbre d'Henriette de France
Dans le texte suivant, Bossuet commence l'éloge funèbre d'Henriette de France, reine d'Angleterre, qui vient de mourir :
J'étais donc encore destiné à rendre ce devoir funèbre à très haute et très puissante princesse HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE, DUCHESSE D'ORLÉANS. Elle, que j'avais vue si attentive pendant que je rendais le même devoir à la reine sa mère[1], devait être si tôt après le sujet d'un discours semblable; et ma triste voix était réservée à ce déplorable ministère. Ô vanité ! ô néant ! ô mortels ignorants de leurs destinées ! L'eût-elle cru il y a dix mois ? Et vous, messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versait tant de larmes en ce lieu, qu'elle dût si tôt vous y rassembler pour la pleurer elle-même? Princesse, le digne objet de l'admiration de deux grands royaumes, n'était-ce pas assez que l'Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort? et la France, qui vous revit, avec tant de joie, environnée d'un nouvel éclat, n'avait-elle plus d'autres pompes et d'autres triomphes pour vous au retour de ce voyage fameux[2], d'où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles espérances? «Vanité des vanités, et tout est vanité.[3]» C'est la seule parole qui me reste; c'est la seule réflexion qui me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur. Aussi n'ai-je point parcouru les livres sacrés, pour y trouver quelque texte que je pusse appliquer à cette princesse. J'ai pris, sans étude et sans choix, les premières paroles que me présente L'Ecclésiaste, où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l'est pas encore assez à mon gré pour le dessein que je me propose.
Bossuet, "Oraison Funèbre", août 1670.
Notes :
[1] Allusion à l'oraison prononcée pour Henriette de France en 1669.
[2] Voyage diplomatique en Angleterre, en 1670, au cours duquel la princesse, diplomate très douée, avait négocié un traité d'alliance.
[3] L'Ecclésiaste, I, 2.
Question
Dans ce texte, relevez et commentez tous les COI et les COS en les distinguant les uns des autres.
Solution
J'étais donc encore destiné à rendre ce devoir funèbre à très haute et très puissante princesse HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE, DUCHESSE D'ORLÉANS. Elle, que j'avais vue si attentive pendant que je rendais le même devoir à la reine sa mère[1], devait être si tôt après le sujet d'un discours semblable; et ma triste voix était réservée à ce déplorable ministère. Ô vanité ! ô néant ! ô mortels ignorants de leurs destinées ! L'eût-elle cru il y a dix mois ? Et vous, messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versait tant de larmes en ce lieu, qu'elle dût si tôt vous y rassembler pour la pleurer elle-même? Princesse, le digne objet de l'admiration de deux grands royaumes, n'était-ce pas assez que l'Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort? et la France, qui vous revit, avec tant de joie, environnée d'un nouvel éclat, n'avait-elle plus d'autres pompes et d'autres triomphes pour vous au retour de ce voyage fameux[2], d'où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles espérances? «Vanité des vanités, et tout est vanité.[3]» C'est la seule parole qui me reste; c'est la seule réflexion qui me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur. Aussi n'ai-je point parcouru les livres sacrés, pour y trouver quelque texte que je pusse appliquer à cette princesse. J'ai pris, sans étude et sans choix, les premières paroles que me présente L'Ecclésiaste, où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l'est pas encore assez à mon gré pour le dessein que je me propose.
Quatre COS sont des noms ou des groupes nominaux :
1. à très haute et très puissante princesse HENRIETTE-ANNE D'ANGLETERRE, DUCHESSE D'ORLÉANS
2. à la reine, sa mère
3. à ce déplorable ministère
4. à cette princesse
Tous sont introduits par la préposition "à" ; trois dépendent d'un verbe transitif qui a par ailleurs un COD : "rendre ce devoir funèbre", "rendre ce devoir", appliquer <un texte> à cette princesse. Le 4ème est COS d'un verbe passif : "ma triste voix était réservée à ce déplorable ministère".
On trouve par ailleurs 4 occurrences du pronom "me" : me reste, me permet (l. 13), me présente (l. 16), me propose (l. 18).
Le pronom "me" est-il COD ou COI ? Dans les deux cas, il a la même forme. Pour le décider, quelques critères :
au pronom COI ou COS "me" on peut substituer une 3ème personne, qui aura alors la forme "lui" ; au COD, la 3ème personne a la forme "le, la, les".
On peut aussi substituer un nom : dans ce cas, le COS se manifeste par une préposition, alors que le COD est construit directement : je me donne ==> je donne à Pierre (COS)
il ne peut y avoir qu'un seul COD (même constitué de plusieurs noms coordonnés ou juxtaposés). Si la fonction est déjà prise, alors "me" est COS. "Il me donne des pommes, des poires, et des scoubidous"...
Donc, dans les quatre occurrences du texte de Bossuet, il s'agit bien :
d'un COI dans le 1er cas (le verbe « rester » est intransitif),
de COS dans les trois autres (les verbes permettre, présenter et proposer sont transitifs, et ont tous trois pour COD un pronom relatif « que »).
Un dernier COI, "pour vous" (l. 11), est construit avec la préposition "pour".