Modèles et statuts des modèles dans l'enseignement et la formation des
enseignants
A. Marchive et
B. Sarrazy - © 2008-2009 DCAM
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Université V. Segalen
Bordeaux 2
Le mythe de Prométhée, celui qui pense avant ou en avant. Dans la Théogonie (8° siècle avant JC) Hésiode présente Prométhée (fils du Titan Japet) comme celui qui prendra le parti de la race humaine et qui essaiera de tromper Zeus, le souverain de l’Olympe, pour le partage d’un bœuf : il lui fera choisir les os recouverts de graisse appétissante, alors qu’il lui restera la peau peu ragoûtante, mais qui cache les meilleurs morceaux. Zeus humilié, sa vengeance sera terrible : il prive les hommes du feu nécessaire à la vie. Mais c’est là qu’intervient une nouvelle fois Prométhée qui dérobe le feu à Zeus et le rend aux hommes. Zeus se vengera de deux manières : en faisant enchaîner Prométhée sur le mont Caucase où il aura le foie dévoré par un aigle (l’oiseau sera abattu par Héraclès et Zeus renoncera à sa rancune) ; en décidant de faire forger par Héphaïstos un « mal destiné aux humains » : Pandora.
Au V° siècle, Eschyle fera de l’histoire de Prométhée une tragédie : Prométhée enchaîné (première pièce d’une trilogie avec Prométhée délivré et Prométhée porte-feu dont on a que quelques fragments). Prométhée proposera aussi son récit dans Protagoras qui raconte comment les dieux chargent Prométhée et Epiméthée de répartir les capacités dont seront dotées les races. Epiméthée, qui pense après-coup ou trop tard et oublie les hommes qui restent nus. Prométhée va alors apporter aux hommes les techniques et le feu nécessaires à la vie.
PROTAGORAS. — [...] Il y a eu un temps où les dieux existaient seuls, et où il n'y avait encore aucun être mortel. Lorsque le temps destiné à la création de ces derniers fut venu, les dieux les formèrent dans les entrailles de la terre, en mêlant ensemble la terre et le feu et les deux autres éléments qui entrent dans la composition de ces deux premiers éléments. Mais avant que de les laisser paraître à la lumière, ils ordonnèrent à Prométhée et à Épiméthée1 de les orner et de leur distribuer toutes les qualités convenables. Épiméthée pria Prométhée de permettre qu'il fît seul cette distribution, à condition, dit-il, que tu l'examineras quand je l'aurai faite. Prométhée y consentit. Voilà donc Épiméthée en fonction. Il distribue aux uns la force sans la vitesse, et aux autres la vitesse sans la force. Il donne des armes naturelles à ceux-ci; et à ceux-là il leur refuse des armes, mais il leur donne d'autres moyens de se conserver et de se garantir. À ceux à qui il donne la petitesse de corps, il assigne les antres, les souterrains pour retraite, ou, en leur donnant des ailes, il leur montre leur asile dans les cieux. À ceux à qui il donne la grandeur en partage, cette grandeur suffit à leur conservation. Il acheva ainsi sa distribution avec le plus d'égalité qu'il lui fut possible, prenant bien garde qu'aucune de ces espèces ne pût être détruite. Après leur avoir donné tous les moyens de se garantir de la violence les uns des autres, il eut soin de les munir contre les injures de l'air et contre les rigueurs des saisons. Pour cela, il les revêtit de poils épais et de peaux serrées très capables de les défendre contre les gelées de l'hiver et contre les ardeurs de l'été, et qui, lorsqu'ils ont besoin de dormir, leur servent de couvertures. [...] Cela fait, il leur assigna à chacun leur nourriture : à ceux-là les herbes, à ceux-ci les fruits des arbres, à d'autres les racines, et il y eut telle espèce à qui il permit de se nourrir de la chair des autres animaux; mais, pour cette espèce, il la rendit peu féconde, et accorda une grande fécondité à celles qui devaient la nourrir, afin qu'elle se conservât.
Mais comme Épiméthée n'était pas fort prudent, il ne prit pas garde qu'enfin il avait employé toutes les qualités pour les animaux privés de raison, et qu'il lui restait encore à pourvoir l'homme. Il ne savait donc quel parti prendre, lorsque Prométhée arriva pour voir le partage qu'il avait fait. Il vit tous les animaux parfaitement partagés, mais il trouva l'homme tout nu, n'ayant ni armes, ni chaussures, ni couvertures. Déjà paraissait le jour destiné pour tirer l'homme du sein de la terre et pour le produire à la lumière du soleil; et Prométhée ne savait que faire pour donner à l'homme les moyens de se conserver. Enfin voici l'expédient dont il s'avisa : il déroba à Héphaïstos et à Athéna2 le secret des arts et le feu (car sans le feu cette science ne pouvait être possédée : elle aurait été inutile), et il en fit présent à l'homme. Voilà de quelle manière l'homme reçut la science de conserver sa vie.
Protagoras, 320c-321d - traduction Dacier et Grou révisée par É. Saisset (1869)
Étymologiquement, Prométhée est celui «qui réfléchit avant», Épiméthée celui «qui réfléchit après».
Héphaïstos et Athéna sont les dieux des arts utiles à la vie : Héphaïstos (dieu du feu) fournit les instruments, Athéna (déesse de l'intelligence) la connaissance pratique.