Les emplois modaux du conditionnel

Composé d'un radical futur et de désinences d'imparfait, le conditionnel s'oppose à l'un et à l'autre.

  • Il s'oppose à l'imparfait, car s'il appartient à la sphère du passé, il porte sur l'avenir : voir ci-dessus.

  • Il s'oppose surtout au futur : car celui-ci comporte une certitude aussi grande que possible.

    Si je dis "Il fera beau demain.", j'affirme un fait qui, pour n'être pas encore réalisé, n'en est pas moins indubitable, du point de vue du locuteur.

    À l'inverse, le conditionnel introduit le doute, l'incertitude, l'hésitation du locuteur quant à la véracité du fait qu'il énonce.

Le conditionnel hypothétique

Deux emplois correspondent à ce sens :

  1. Le conditionnel des "cours de récréation", qui sert à décrire une situation imaginaire : "Je serais la maman, tu serais l'enfant, je te gronderais..." Ainsi font les enfants qui posent ainsi les bases de leurs jeux.

    C'est aussi ce conditionnel qui permet, notamment dans les articles de journaux, d'affirmer des faits sans engager leur auteur : "Le Premier ministre serait sur le point de démissionner..." (et si les faits démentent l'information, peu importe : après tout, le journaliste n'a pas employé l'indicatif ; il n'a donc pas menti !)

  2. La subordonnée hypothétique, que nous examinerons dans la séquence 55 :

    Après une subordonnée à l'imparfait, la principale se met au conditionnel présent ; l'ensemble exprime ce que les grammairiens latins appellent le "potentiel" et "l'irréel".

    • Le potentiel suppose que le locuteur estime possible la réalisation du fait, notamment parce qu'il porte sur un avenir jamais totalement clos : "Si demain j'étais riche, j'achèterais un château."

    • L'irréel suppose, lui, que la réalisation n'est ni possible, ni actuelle : "Si j'étais riche – mais je ne le suis pas – j'achèterais un château."

    Enfin, le conditionnel passé indique que l'hypothèse, située dans le passé, n'a pas été réalisée : "Si j'avais été riche, j'aurais acheté un château."

Le conditionnel d' "affirmation atténuée"

Dans tous ses emplois, le conditionnel exprime une distance entre le locuteur et le fait qu'il énonce.

Cette distance peut être de plusieurs sortes :

  • La politesse, qui exclut une affirmation trop péremptoire : "Je voudrais parler." ; "Vous devriez renoncer."...

    Dans le texte de Vassilis Alexakis, «  j'aimerais bien le revoir » appartient à cette catégorie.

  • Le doute, l'incertitude : « On dirait le Sud » (N. Ferrer) ; "Serait-il encore possible de corriger cette erreur ?"

  • Une simple éventualité : "L'enquêteur cherche une explication qui rendrait compte (qui pourrait rendre compte) des faits constatés."

  • Le rejet de l'éventualité, la protestation : « J'ouvrirais pour si peu le bec ? » (La Fontaine)