Grammaire 26/56 : Le pronom interrogatif et le pronom indéfini

"À côté de chez moi, il n'y a jamais eu personne." Et Cosma ? Il n'a jamais entendu parler de Cosma. Puis il se reprend : oui, bien sûr, Cosma, mais quand ça s'est passé, il n'était pas là, il était au Congo.

– Écoute, lui dit Emmanuel, devant toi c'est la fille de Cosma, tu as quelque chose à lui dire ?

Il y a un long silence. Il hésite.

– Oui, c'est la fille de Cosma, maintenant que je la vois, je peux bien lui demander pardon...

Je suis tellement bouleversée par ces mots que je suis comme paralysée. Il y a un long silence puis je cherche en vain une parole qui l'encouragerait à continuer, à me dire ce que je voudrais tant savoir depuis si longtemps... mais déjà il est trop tard, il a repris son discours de négation, je n'obtiendrai plus rien.

– Écoutez, je n'ai tué personne, ils sont montés là-haut, à Rebero, je n'ai tué personne. Je me souviens qu'ils sont partis vers 4 heures de l'après-midi. Je n'ai tué personne. Avez-vous entendu dire que j'ai tué quelqu'un ? La famille est tombée à Rebero. Ils étaient âgés. Personne n'est tombé ici. Moi je ne connaissais pas ses enfants, sauf le jour où il a marié sa dernière fille...

Je ne l'écoute plus, que ce soit lui ou d'autres qui aient tué mes parents ou participé au meurtre, je ne le saurai jamais.

Mais je m'obstine. Je ne veux pas repartir sans un signe. C'est comme si j'avais à rendre compte que je suis encore là, vivante. Ai-je rempli la mission que, trente ans auparavant, m'avaient confiée mes parents ? Vivre au nom de tous. Moi qui n'avais eu d'autre choix que d'être une bonne élève catholique, je me mets à espérer que l'esprit des morts – l'umuzimu – va se manifester dans la broussaille et les vestiges de la bananeraie, et me donner sa réponse.