Le nom de Sébastien Castellion ne figure pas parmi les plus connus des humanistes du XVIe siècle ni des intellectuels de la Réforme protestante. Disciple d'abord et même ami de Jean Calvin, à Strasbourg puis à Genève, Castellion attire sur lui les suspicions du réformateur et se réfugie à Bâle où il vit d'expédients (enseignant de grec à l'Académie, éditeur, ouvrier imprimeur).
On lui doit plusieurs traductions, notamment de la Bible (traductions latine et française), ainsi qu'un certain nombre de textes qui furent aussitôt condamnés comme subversifs (comme le Conseil à la France désolée de 1562) ou qui ne furent jamais publiés de son vivant : le Libelle contre Calvin ne sera par exemple publié qu'au XVIIe siècle et le De haereticis non puniendis (littéralement : « Il ne faut pas punir les hérétiques »), pour donner un autre exemple, attendra même sa publication jusqu'au XXe siècle.
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Religions et gestion de la violence
Au cours des siècles passés, et encore à l’époque contemporaine, des responsables religieux comme politiques ont appelé à la transcendance divine pour justifier des actes de violence.
D’autres autorités religieuses, au contraire, ont agi pour, canaliser, limiter ou bannir la violence. Pour comprendre la manière dont fonctionne la dynamique à l’œuvre dans la dialectique paix/guerre qui a travaillé les religions, il est impératif d’historiciser le phénomène en distinguant les textes de référence et leur interprétation, le contexte des épisodes conflictuels ou de pacification, les pratiques individuelles et collectives.
De la sorte peuvent être mis au jour les grandes tensions susceptibles de mener à commettre des actes violents, notamment guerriers.
La violence religieuse dans l'histoire de l'islam ...
Comment peut-on définir « la violence » ? Peut-on analyser la religion comme un mouvement social ou comme une protection identitaire ? Est-ce la religiosité, c'est-à-dire la façon de pratiquer une religion qui conduit à l'usage de la violence, notamment lorsqu'un individu ou un groupe humain tente d'idéologiser cette religion, de la pousser jusqu'à l'extrême, à travers des lectures et des interprétations différentes ?
Quelles sont les causes profondes et les origines lointaines qui ont été derrière la violence dans les débuts de l'histoire de l'Islam ? Comment peut-on analyser ce que des commentateurs appellent une « guerre religieuse » contemporaine légitimée par certains en faisant référence à des caricatures et écritures insultant l'islam et les musulmans ?
Les massacres pendant les guerres de religion
De nombreux massacres ont jalonné les huit guerres de religion qu'a connues la France entre 1562 et 1598. Le premier conflit est initié par le massacre de plusieurs dizaines de protestants réunis dans une grange, dans la ville champenoise de Wassy, le 1er mars 1562. À la fin du mois d'août 1572, la Saint-Barthélemy et ses prolongements provinciaux constituent sans doute le point d'orgue de cette violence massacreuse, laquelle tend à décliner dans les années suivantes. De telles exactions ne sont alors pas un fait inédit, ni en Europe, ni au-delà : massacres commis dans la Russie du tsar Ivan le Terrible (r. 1547-1584), massacres au moment de la conquête de Chypre par les Ottomans (1571) et lors des guerres contre la Perse (1576-1590), massacres encore dans le Japon de Hideyoshi (1537-1598) ; les exceptions de la période se trouvent en Asie, pendant le court règne de l'empereur chinois Longqing (r. 1567-1572) et celui, beaucoup plus long, de l'empereur mogol Akbar (r. 1556-1605) qui a cependant construit une partie de son empire par la force. Le sac de Rome en 1527 ou la conquête du plateau aztèque par les conquistadores dans les années 1520 ont donné lieu à des massacres qui ont scandalisé nombre d'observateurs et suscité de vives dénonciations. Le massacre, s'il n'est pas un objet banal, est donc inscrit dans les structures mentales du temps et est souvent référé à son archétype biblique, le massacre des innocents . Les gravures contemporaines, comme celles de Tortorel et Perrissin, mobilisent d'ailleurs implicitement ce type de représentations.
Les martyrologes au temps des troubles confessionn...
Les violences religieuses du XVIe siècle connaissent des formes changeantes, à la charge symbolique variable.
Le poète Agrippa d'Aubigné distingue dans ses Tragiques deux périodes : le « temps des feux » est l'époque des premiers bûchers des hérétiques, en d'autres termes le temps des martyrs ; leur succède le « temps des fers », temps de confusions et de convulsions, époque des guerres civiles et des massacres qui les accompagnent.
Dans un troisième temps, après 1572 en France, à la fin du XVIe siècle dans les Pays-Bas, la violence massacreuse cède la place à une violence davantage intériorisée et localisée. C'est aussi le temps des premières commémorations et de la mise en place d'une mémoire des atrocités subies confessionnellement orientée
L'« islam politique » et la violence dans le monde...
Dans la plupart des pays majoritairement musulmans, l'islam est proclamé « religion d'Etat » et la sharî‘a source principale voire exclusive de toute législation. L' « islam politique » se définit lui-même comme un projet d'instauration d'un gouvernement se fondant sur le Coran, le Hadîth et des valeurs associées qui sont promues comme normes suprêmes, ainsi que sur l'islamisation des codes, des pratiques et des discours dans l'espace public. L'« islamisme » n'est pas un mouvement monolithique, même si tous ceux qui s'y attachent se reconnaissent dans une vision binaire du monde, opposant le dâr al-islâm d'un côté et le dâr al-kufr de l'autre.
Il a pris trois formes distinctes, chacune porteuse d'un rapport au monde et de modes opératoires spécifiques :
- Les mouvements islamiques politiques (al-harakat al-islâmiyya al-siyâssiyya), représentés par l'association des Frères musulmans en Egypte, matrice d'autres organisations au Maghreb et au Moyen-Orient ayant pris des visages différents.
- Les mouvements islamiques missionnaires en vue de la conversion (al-da‘wa). Leur objectif primordial n'est pas le pouvoir politique, mais la défense et la promotion d'une orthopraxie, d'une orthodoxie, d'une identité, d'un ordre moral face à ce qu'ils appellent l' « incroyance » (kufr ou zandaqa).
- Les mouvements djihadistes (al-harakat al-jihâdiyya), qui appellent à la lutte armée contre l' « ennemi proche », à savoir les régimes se référant à l'islam mais considérés par eux comme « impies » (nuzumkuffâr), et à la lutte globale contre l' « ennemi lointain », c'est-à-dire prioritairement « l'Occident non-musulman », mais aussi les bouddhistes ou les hindous en Asie. Ils se réclament notamment de la pensée de l'Egyptien Sayyid Qutb
La rhétorique apocalyptique de Daech à travers sa ...
Dar-al-Islam est l'organe de presse qui relaye la propagande de Daech en français depuis décembre 2014, avec des contributions propres et des traductions de Dabiq, le magazine anglophone de l'État islamique créé en juillet 2014, quelques semaines après la proclamation de « l'État islamique ». C'est la voix autorisée de Daech, dont dix livraisons ont été mises en ligne sur Internet jusqu'à l'automne 2016. Les deux revues sont produites par une agence multimédia dénommée « Centre médiatique Al-Hayat », organe de la communication de Daech qui diffuse notamment sa propagande sur Twitter.
Les images analysées dans ce chapitre ont été produites par l'un des groupes armés les plus violents du début du XXIe siècle dans un but de propagande. Nous attirons l'attention des étudiant-e-s/professeurs sur la nocivité de leur contenu sans le filtre de l'étude critique.
Mourir en martyr de la foi. L'exemple du christian...
Le martyre, la mort en martyr de la foi, est une forme particulière de violence religieuse. Son histoire est longue et complexe, étroitement liée à celle du christianisme. Mais la notion permet aussi d'interroger d'autres traditions et, surtout, elle est d'une grande actualité. Loin d'être une réalité du passé, le martyre connaît en quelque sorte un nouvel « âge d'or » depuis le milieu du XXe siècle. En ce début de XXIe siècle, les martyrs, et notamment ceux qui se réclament de « vérités » religieuses, semblent encore avoir de beaux jours devant eux.
Religions et violences autour de la Méditerranée :...
Dans les histoires nationales ou religieuses, nombre de violences sont souvent occultées. Leurs motifs obéissent à des ressorts complexes dans lesquels la référence religieuse tient une place, y compris lorsque ce sont des fidèles d'une même religion qui s’entre tuent.
L'idéal d'un régime islamique et l'usage de la vio...
Le mouvement des Feda'iyan-e islâm est créé après la Seconde Guerre mondiale, en Iran. Même s'il a été marginal puisqu'il n'a jamais bénéficié d'une assise populaire importante, y compris parmi les jeunes et qu'il n'a pas été bien accueilli parmi les écoles religieuses et les ulémas – le mouvement des Feda'iyan-e islâm a eu un impact politique important pendant la période de nationalisation du pétrole iranien. Les Feda'iyan nourrissent l'espoir de l'instauration d'un régime islamique et légitiment l'usage de la violence en commettant notamment des assassinats qui visent leurs adversaires politiques. Ils perçoivent « la violence comme un acte politique de protection, de purification de la communauté, [produit d'une part à l'encontre] de groupes ou d'individus [considérés] comme hérétiques ou infidèles, etc.) [et d'autre part] contre des comportements [vus comme] déviants ».
Religions et gestion de la violence : accès aux ac...
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La violence domestique au Liban, et le positionnem...
Dans ce chapitre,le positionnement des croyants chrétiens et musulmans vis-à-vis de la violence domestique est abordé à partir de l'étude du cas libanais. La violence domestique existe dans toutes les sociétés, elle frappe d'abord les femmes et les enfants. Au regard des Nations Unies, elle constitue une atteinte majeure aux droits fondamentaux. Au Liban, il est impossible d'exercer sa citoyenneté en dehors d'une des dix-huit communautés confessionnelles. Le droit civil est largement inspiré par celui qui prévaut en France, mais le droit privé concernant le mariage, le divorce, la tutelle et l'héritage est régi par des doctrines et règlements propres à chaque confession. Elles sont les seules références légitimes reconnues par l'Etat. Chacune dispose de ses tribunaux religieux qui régissent le statut personnel.De ce fait, la société libanaise permet de saisir la diversité des manières avec laquelle cette violence est pensée, interprétée, régulée et jugée.