Cette ressource en ligne est dédiée à la géographie culturelle du Canada. Elle est composée de texte, de cartes animées, de presque une centaine de histogrammes quantifiant les différences régionales, ainsi que d’une trentaine d’entretiens personnalisées avec des spécialistes canadiens. Chaque module est conçu pour être indépendant. La première partie traite des différentes régions du Canada et la deuxième des questions culturelles par région. Les données sources sont tirées du site web de Statistiques Canada et le texte est inspiré par endroits du livre « The Regional Geography of Canada », R.M. Bone (2002), ainsi que du livre de A. Griffith « Policy Arrogance or Innocent Bias : Resetting Citizenship and Multiculturalism (2013).
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Le Multiculturalisme canadien
La notion de multiculturalisme en tant qu'idéologie :
Pourquoi considérer le concept de multiculturalisme comme étant une idéologie ? Qu’entendons-nous par idéologie ? Le sens que nous attribuerons ici à cette notion, est relativement simple : il s’agit d’un système d’idée qui façonne et/ou constitue une grille particulière d’interprétation du monde. Ainsi, nous pouvons définir le multiculturalisme en tant que courant de pensée, qui prend son essor dans la fin des années ‘70, soit dans un contexte historique où de nombreux Etats-nations se mirent à adopter une nouvelle gestion des mouvements migratoires, à la suite des chocs pétroliers et des premières crises économiques successives. En tant que courant de pensée, le multiculturalisme ne signale pas simplement que les sociétés sont composées d’individus aux appartenances et aux identités culturelles différentes. C’est un fait historique de n’importe quelle société, ce constat est mis en avant périodiquement, selon comment les pouvoirs publics et les médias s’y intéressent. Le multiculturalisme va au-delà de ce constat, « il prône » la valorisation des identités, leur reconnaissance à l’intérieur des Etats. Dans une optique relativiste, le concept de multiculturalisme, met l’ensemble des cultures au même niveau, sans aucune relation de domination à l’intérieur même d’un pays.
Au niveau empirique, le multiculturalisme devient un fait social dès lors que des groupes s’identifient à des identités autres que celle du pays dans lequel ils résident, et qu’ils revendiquent un statut juridique et social équivalent aux membres de la culture dîtes dominante. Il s’agit d’une revendication sociale qui s’inscrit dans une lutte pour la reconnaissance. Nous pouvons prendre l’exemple des autochtones au Canada, qui se battent pour préserver leur statut social. Ce mouvement, a pour origine l’intériorisation par les membres des groupes aux identités particulières, du regard que la société porte sur eux. C’est aussi parce que la société identifie les individus par rapport à une identité donnée, que ces derniers s’identifient à leur tour à cette identité. Il ne nous faut pas oublier, que les individus se construisent socialement au travers du regard d’autrui, ce qui détermine dans leur évolution leur prise de position ou leur choix d’action sociale. C’est en ne reconnaissant pas les autochtones comme étant canadiens, que ces derniers vont renforcer leur identification à leur histoire, à leurs traditions, à leurs langues…
Concernant l’application des idéaux multiculturalistes et des réponses institutionnelles aux revendications des différents groupes sociaux, les Etats tentent de trouver un juste équilibre entre leurs intérêts et la demande sociale afin d’assurer l’unité des pays et leur cohésion sociale respectives. L’Etat fédéral canadien est actuellement le plus abouti concernant l’application d’une politique multiculturelle. En effet, il a su s’organiser pour gérer son immigration tout en prenant des mesures institutionnelles qui permettent aux nouveaux arrivants de ne pas se sentir exclus en facilitant leur insertion professionnelle, en mettant en place des structures dans lesquelles ils peuvent demander des renseignements pratiques... de cette manière les différentes identités sont reconnues et acceptées. La coexistence entre les différentes communautés est ainsi assurée. De plus, les autorités encouragent la participation à la vie sociale des résidents permanents c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas originaires du Canada.
L’enjeu politique du multiculturalisme est de créer de l’unité, un héritage commun à tous les individus qui composent la nation canadienne.
Les régions du Canada
Le visiteur européen au Canada est souvent étonné par l’homogénéité des paysages canadiens. Par endroit, il faut parcourir des milliers de kilomètres avant de percevoir un changement notable dans le paysage. La traversée du bouclier canadien en Ontario n’est qu’un exemple : heure après heure de forêts, lacs et rochers – de Toronto à Kenora, la traversée en voiture semble interminable. Et après une quinzaine d’heures du bouclier, le voyageur s’attaque ensuite à quelques jours de prairies… Le contraste est fort avec la France, où chaque région possède sa spécificité – les Landes, le Massif Central, la Méditerranée, Les Alpes, la Bretagne…
Avant de décrire les caractéristiques physiques et humaines des provinces et territoires, une brève présentation des superficies permettra de mieux appréhender les disparités régionales. Le Canada a une superficie totale de 9 984 670 km2, dont 9 093 507 km2 de terre et 891 163 km2 d’eau douce, ce qui le classe deuxième plus grand pays du monde après la Russie. La répartition des surfaces en terre et eau est montrée dans les figures ci-dessous : en km2 et en % des surfaces terrestres et en eau.
Le premier fait marquant est la faible superficie des provinces maritimes (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Ecosse, et l’Ile du Prince Edouard). Ensemble, ces trois provinces cumulent moins de 1,5% du pays. Les implications de ces faibles superficies sont importantes, surtout en termes d’exploitations de ressources primaires : avec moins de surface, le potentiel pour cultiver le sol ou découvrir et exploiter des ressources minières et forestières reste limité.
Le Nunavut se distingue par sa très grande superficie, plus de 20% du pays. Cependant, les terres du Territoire de Nunavut sont dispersées sur de nombreuses îles et restent difficilement accessibles pour cette raison ainsi que pour sa position dans les très hautes latitudes. La province du Québec a la plus grande superficie terrestre provinciale et toutes les provinces à l’ouest du Québec ont des valeurs similaires. Enfin, l’extrême ouest du Canada (Colombie-Britannique, Alberta, le Yukon) représente des terres avec relativement peu d’eau douce par rapport aux autres provinces et territoires de tailles similaires.
Pour le Canada, l’unité administrative la plus simple à traiter est celle de la province ou territoire. Dans l’ensemble de ce site web, seules les régions physiographiques, ou naturelles, ne correspondent aux limites administratives des provinces et territoires. Certaines limites naturelles s’imposent comme une barrière naturelle – des lignes de crêtes, des cours d’eau, des îles – mais le plus souvent une unité physiographique est partagée par différentes provinces/territoires et une province ou un territoire peut contenir différentes unités physiographiques. Cette partie débutera par une description des unités physiographiques (géologie et relief, climat, végétation, sols) avant de s’adresser aux aspects « humains » : les richesses économiques des provinces et territoires ainsi que leurs caractéristiques démographiques. Enfin, cette première partie se terminera par un bref résumé de ce que nous appellerons la « nordicité » du Canada (d’après Bone, 2002) et un bilan global des régions du Canada.