La relation entre science et religion est un thème d’étude controversé. Parmi les enjeux historiographiques figurent la caractérisation de ce qui s’est passé dans l’Europe du XVIIe siècle et la place de l’héritage religieux, juif, chrétien et musulman. Le contenu du module d’histoire HEMED se place en aval de cette période, en distinguant trois volets le premier consiste à montrer comment les « sciences humaines et naturelles » ont acquis une indépendance à l’égard du « savoir religieux » ; le deuxième est centré sur la variété des réactions des autorités religieuses face au progrès scientifique et technologique ; le troisième vise à rendre compte de débats contemporains autour des questions épistémologiques. La spécificité de l’approche consiste à ne pas séparer a priori l’histoire de milieux culturels trop souvent présentés comme des blocs fossilisés.
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Le darwinisme au regard de la revue des Jésuites, ...
Al-Mashrîq est une revue scientifique arabophone mensuelle, fondée en 1898 sous la direction des Jésuites à Beyrouth par l'orientaliste arabisant Louis Cheikho. Sous-titrée Revue Catholique Orientale, elle traite un large éventail de thèmes historiques, littéraires, scientifiques, religieux et artistiques. Dans les volumes 8,9, 10, 11 et 12 qu'elle consacre à l'importante question de l'origine de l'homme, le père Alexandre Torrend reprend certains éléments du darwinisme en les opposant aux darwinistes qualifiés de " matérialistes" et d'"intellectualistes", deux doctrines présentées comme des filles du XIXe siècle.
Le créationnisme dans les milieux évangéliques éta...
A la différence d'autres sujets liés à l'histoire des sciences, le créationnisme est une question sensible dans un certain nombre de milieux religieux contemporains. Ce caractère sensible implique d'expliciter d'entrée de jeu le lieu d'où l'on parle et la position méthodologique que l'on suit. L'optique adoptée est celle de l'histoire du christianisme. Il ne faut donc chercher dans ces pages ni une contribution à l'histoire des sciences en tant que telle, ni un exposé philosophique ou théologique sur la question de la création du monde. Formé dans le contexte d'une université européenne (celle de Genève, en Suisse), qui doit son origine au contexte chrétien, notamment au protestantisme, et qui revendique aujourd'hui une orientation laïque, l'auteur de ce chapitre enseigne dans une Faculté qui garantit à ses membres la liberté académique, ce qui exclut toute inféodation à quelque position idéologique que ce soit, fût-elle défendue par tel ou tel lobby protestant.
Dans ce cadre, le créationnisme est historiquement considéré comme une doctrine qui part de certitudes religieuses, en l'occurrence la notion de création telle qu'elle est interprétée à partir de la Bible et qui cherche à vérifier ces certitudes en leur apportant la caution de la science. D'un point de vue philosophique, une telle démarche mêle des catégories qui doivent être méthodologiquement distinguées, en cela qu'elle postule une finalité à tous les phénomènes naturels et qu'elle se fonde sur des textes considérés comme révélés (la Bible, et en particulier le récit de la création tel qu'il figure dans les premiers chapitres de la Genèse) pour élaborer un discours à prétention scientifique. Paul Clavier a montré, du point de vue philosophique qui est le sien, qu'il est parfaitement possible d'envisager une philosophie ou une théologie dans laquelle un agent transcendant a joué ou joue un rôle dans le surgissement et dans le devenir du monde (cf. Qu'est-ce que le créationnisme ?, 2012). Mais il s'agit alors d'une affirmation métaphysique, qui ne saurait d'aucune façon interférer avec la démarche scientifique. Ces raisons, qu'on pourrait longuement développer, justifient d'une part que le créationnisme ne soit pas considéré comme une science, mais bien comme une idéologie religieuse (et cela quoi qu'en disent ses porte-parole) ; d'autre part que cette doctrine ne soit pas enseignée dans les facultés des sciences des universités européennes.
Le réformisme islamique et la science moderne - Al...
Au cours du XIXe sècle, l'Empire ottoman est amené à moderniser ses structures politiques et sociales, face à la pression européenne. Dans les provinces arabes du Moyen-Orient ottoman s'opère alors des changements de nature diverse, dans les domaines politique, littéraire, artistique, social et religieux. La notion d'"éveil" - Nahda en arabe - fait son apparition, pour désigner le combat visant à extraire la société arabe de la "stagnation" (inhitat) dans laquelle elle se trouve. La Nahda est ainsi supposée annoncer une ère nouvelle de réformes et nécessairement en rupture avec un passé considéré comme obscurantiste et inique (zulm), ou tout du moins sclérosé (djumud). En ce sens, la Nahda se rapporte à un processus visant au changement, plutôt qu'à un événement précis, et on comprend aisément que sa nature peut varier en fonction des origines sociale, politique et géographique de ses acteurs.
Catholicisme et médecine au XIXe siècle. Conflits,...
Forgée à une époque durant laquelle les médecins n'étaient guère assurés de leur position centrale dans la société, l'idée d'une opposition entre médecine et religion est restée forte au sein de la représentation progressiste d'une science vouée à réduire ce qui été consolidée par la mise en avant de figures de savants investis dans l'effort de construction de la République Hygiéniste, par le récit de la laïcisation des institutions hospitalières, et par la mise en avant d'indices de désacralisation de l'acte de soigner. La médicalisation se développant en symbiose avec la laïcisation, tel est le schéma qui paraît surgir des discours dominants de la fin du XIXe siècle. Cependant, depuis plusieurs années les travaux des historiens, particulièrement ceux qui concernent le catholicisme français, montrent que médecine et religion se sont certes trouvées en situation d'affrontement, mais aussi d'association.
L'islam au regard de chercheurs musulmans en scien...
Depuis le début du XXe siècle, des chercheurs de confession musulmane ont choisi d'étudier la religion musulmane comme une pratique sociale liée à des éléments de culture et de civilisation dans des contextes particuliers, avec les outils des sciences humaines et sociales. Ce fut d'abord le cas en histoire, par exemple, puis dans d'autres disciplines comme la philosophie, la linguistique ou l'anthropologie. Ces intellectuels ont cherché à élaborer des concepts communs à divers champs et des théories scientifiques permettant de trouver de nouvelles réponses aux questions posées par les approches traditionnelles. Cette démarche, qui marque une inflexion épistémologique majeure, a visé à s'éloigner de toute influence mythique ou religieuse dans le cadre du travail académique. Ce changement épistémologique s'est effectué dans un mouvement de relations et de tensions entre ceux qui s'expriment en dehors des institutions religieuses et ceux qui cherchent à renouveler la compréhension de la société à travers la pensée religieuse. Il s'agit donc d'un processus complexe, avec de fortes oppositions. Les enjeux sont importants dans la mesure où les méthodes d'acquisition des connaissances mettent en jeu des valeurs et que leur mise à distance dans un cadre scientifique à des fins d'étude, peut apparaître comme une relativisation.
Les ulémas, disposant de connaissances religieuses élaborées au sein de disciplines fixées il y a plus d'un millénaire, ont œuvré dans le but d'apporter des réponses sûres et précises aux questions posées par l'homme, sur lui-même et sur sa vie. C'est ce savoir, fondé sur un corpus considérable, qui a été partiellement mis en question. Les chercheurs en sciences humaines et sociales n'ont, en effet, pas les mêmes prémices lorsqu'ils abordent le thème de la religion, et ils n'utilisent pas non plus les mêmes méthodes d'interprétation et d'explication du livre sacré des musulmans. Comme en milieu juif ou chrétien, cette rencontre entre deux approches fondées sur des épistémologies différentes a suscité et continue encore à susciter des débats. Deux exemples seront donnés des nouvelles lectures du patrimoine islamique. La première se présente comme une démarche interne, celle d'un point de vue « islamique humaniste », elle a été revendiquée par Mohammed Abed El Jabiri et par Mohammed Arkoun. La seconde est davantage externe, analytique, elle a une dimension culturelle, herméneutique et politique et a été proposée par Nasr Hamid Abou Zayd.
Al-Muqtataf : une manière inédite de concevoir la ...
Al-Muqtataf est une revue mensuelle spécialisée dans les questions scientifiques. Ses fondateurs, Yaacoub Sarrouf et Fares Nimr, sont des membres actifs du cercle intellectuel constitué autour du Collège syrien protestant, ouvert en 1866 avec une classe de 16 étudiants. Cet établissement prendra le nom de l'Université américaine de Beyrouth en 1920. Une telle institution s'inscrit dans les initiatives qui accompagnent ke mouvement de la Nahda émergeant autour de Beyrouth, du Caire et d'Alexandrie et touchant les élites de langue arabe. Le choix de la spécialisation est à la fois volontaire et dicté par la contingence. Sous le règne du sultan Abduhamid II, il est plus aisé de publier sur les questions scientifiques que de pratiquer toute autre activité à caractère politique, soumise à un contrôle rigoureux et à la censure.
La perception des résultats scientifiques modernes...
Dans le prolongement du mouvement de « renaissance » et de « réforme » ayant émergé au XIXe siècle, le milieu des personnes s'exprimant « au nom de l'islam » sur des sujets scientifiques a débordé le corps des ulémas, ces savants formés dans des institutions traditionnelles telles que l'Université d'Al-Azhar en Egypte ou l'Université Qarawiyyin de Fès. Depuis le début du XXe siècle, l'ouverture d'universités reprenant les disciplines et les méthodes élaborées en Europe, tout comme l'envoi d'étudiants boursiers dans les Etats européens ou américains, a provoqué de profonds changements suscitant des tensions, des débats et parfois des affrontements. Au cours des années 1970, c'est au sein même de ces universités modernes qu'ont été ouverts des « Départements d'études islamiques » visant à revaloriser les disciplines islamiques classiques. Ce chapitre vise à étudier des groupes, des personnes et des thèmes qui sont liés à ce mouvement. Leur caractéristique commune consiste à affirmer que la religion musulmane concerne tous les aspects de la vie de l'individu : cultuelle, économique, politique et sociale.
Deux points en particulier sont abordés :
- Les intellectuels défendant une vision globale de l'islam : wahhabites et réformistes ;
- Entre concordisme et réforme épistémologique.
L'impact de la traduction de la Bible sur l'éveil ...
Au milieu du XIXe siècle, des intellectuels arabes manifestent le souhait de revivifier un patrimoine hérité en consonance avec certaines démarches adoptées dans l'espace européen depuis le XVIe siècle. Le terme "Nahda", souvent traduit par Renaissance, prend diverses acceptions, mais il se voit aussi supplanté par le terme "Isläh" aux connotations religieuses marquées. Nombreux sont les acteurs de ce mouvement transversal de renaissance arabe moderne, à la fois littéraire, politique, culturelle et religieux dont les prémices ont commencé à apparaître avec la fin du XVIIIe siècle.
Le progrès technique et les nouvelles technologies...
Le but prioritaire des animateurs du courant de "l'islamisation de la connaissance "consiste à faire sortir les disciplines scientifiques du cadre "matérialiste" dans lequel elles sont présentées. Ils font référence à Mamadou Diouf qui appelle à une étude de la science et du progrès technique en dehors de la "parenthèse occidentale". Ils citent Jack Goody pour qui les chercheurs européens (Marx, Weber, Elias, Braudel et d'autres) ont " d'une manière ou d'une autre, conforté le grand récit qui fait de l'expérience historique de l'Europe tout à la fois une exception et la mesure de l'histoire du reste du monde - et d'avoir, du même coup, privé le reste du monde de sa propre histoire " (le vol de l'histoire. Comment l'Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde. )
Darwinisme et christianisme (1859-1920) : entre co...
La réception des théories de Charles Darwin en France et au Royaume-Uni, au cours du demi-siècle qui suit leur publication, permet de montrer que ce qui est parfois présenté comme un conflit frontal entre des conceptions irréconciliables et entre des camps radicalement opposés est en réalité, beaucoup plus complexe. Deux périodes seront distinguées. La première porte sur Darwin et sur sa théorie. Elle se centre sur les croyances religieuses de Darwin, sur ce qui s'oppose le plus nettement aux croyances chrétiennes du temps dans L'Origine des espèces (1859) et sur les biais par lesquels la théorie darwinienne s'est diffusée vers un large public. La seconde partie porte, à partir d'exemples précis, sur la palette des réactions que la théorie darwinienne a suscitées dans les milieux religieux, cléricaux ou laïcs.
Religions et représentation figurée
Au cours de la problématique de la représentation figurée sont posées, depuis 25 siècles et pour des croyants de différentes confessions, trois questions :
Comment représenter ce qui est conçu comme transcendant ? Est-il possible, souhaitable et permis de restituer par la plume, le pinceau ou divers autres instruments un geste créateur concernant le vivant ? Quel type de relation le croyant/la croyante peut-il/elle ou doit-il/elle entretenir avec cette représentation ?
L’intérêt de cette histoire consiste à montrer que chacune des traditions religieuses, en fonction des lieux et des moments, a pu véhiculer des positions contradictoires. Trois moments apparaissent particulièrement saillants : les VIIe-VIe siècle avant l’ère chrétienne, marqués par la mise par écrit d’un interdit et de récits montrant que celui-ci n’a pas toujours prévalu ; le VIIIe siècle au cours duquel se cristallisent pour les juifs, chrétiens et musulmans les principaux termes théoriques du rapport religieux à l’image ; les XIXe et XXe siècles marqués par une impossibilité croissante de la maîtrise du flux des représentations pour des raisons à la fois techniques et politiques.