Description

A la différence d'autres sujets liés à l'histoire des sciences, le créationnisme est une question sensible dans un certain nombre de milieux religieux contemporains. Ce caractère sensible implique d'expliciter d'entrée de jeu le lieu d'où l'on parle et la position méthodologique que l'on suit. L'optique adoptée est celle de l'histoire du christianisme. Il ne faut donc chercher dans ces pages ni une contribution à l'histoire des sciences en tant que telle, ni un exposé philosophique ou théologique sur la question de la création du monde. Formé dans le contexte d'une université européenne (celle de Genève, en Suisse), qui doit son origine au contexte chrétien, notamment au protestantisme, et qui revendique aujourd'hui une orientation laïque, l'auteur de ce chapitre enseigne dans une Faculté qui garantit à ses membres la liberté académique, ce qui exclut toute inféodation à quelque position idéologique que ce soit, fût-elle défendue par tel ou tel lobby protestant.

Dans ce cadre, le créationnisme est historiquement considéré comme une doctrine qui part de certitudes religieuses, en l'occurrence la notion de création telle qu'elle est interprétée à partir de la Bible et qui cherche à vérifier ces certitudes en leur apportant la caution de la science. D'un point de vue philosophique, une telle démarche mêle des catégories qui doivent être méthodologiquement distinguées, en cela qu'elle postule une finalité à tous les phénomènes naturels et qu'elle se fonde sur des textes considérés comme révélés (la Bible, et en particulier le récit de la création tel qu'il figure dans les premiers chapitres de la Genèse) pour élaborer un discours à prétention scientifique. Paul Clavier a montré, du point de vue philosophique qui est le sien, qu'il est parfaitement possible d'envisager une philosophie ou une théologie dans laquelle un agent transcendant a joué ou joue un rôle dans le surgissement et dans le devenir du monde (cf. Qu'est-ce que le créationnisme ?, 2012). Mais il s'agit alors d'une affirmation métaphysique, qui ne saurait d'aucune façon interférer avec la démarche scientifique. Ces raisons, qu'on pourrait longuement développer, justifient d'une part que le créationnisme ne soit pas considéré comme une science, mais bien comme une idéologie religieuse (et cela quoi qu'en disent ses porte-parole) ; d'autre part que cette doctrine ne soit pas enseignée dans les facultés des sciences des universités européennes.


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