Dès sa naissance au début du XIIIe siècle dans la partie orientale du monde islamique, l’État ottoman a su reprendre à son compte le patrimoine juridique et jurisprudentiel perse et seldjoukide et en faire les piliers de sa construction étatique. Par la suite et tout au long de ses six siècles d'histoire, il a réussi à agréger diverses traditions juridiques constituant un ensemble de textes connu sous différents noms : Kanun-name, adalet-name ou siyaset-name, régissant aussi bien l'administration et la justice que les affaires militaires et financières. Deux grandes périodes peuvent être distinguées dans l'histoire de l'Empire ottoman. Des origines, jusque 1839 et le début de la période des Tanzimat, la shari'a est la source toute législation. Avec les Tanzimat, la législation est réformée en profondeur. A travers les grandes étapes des réformes : le Hatt-i Sharif de Gülhane en 1839, le Hatt-i Humayoun en 1856 et la promulgation de la constitution ottomane en 1876, de nombreuses dispositions antérieures sont abandonnées. En témoigne en particulier l'adoption du code civil ottoman (Majalet al ahkam al adlya) qui constitue un changement juridique et doctrinal majeur dans l'histoire de l'Empire. L'objectif de cette étude sera de comprendre comment les normes juridiques de l’État ottoman étaient fixées et de mesurer à quel point les Tanzimat constituent une rupture dans l'histoire de la législation d'un Etat musulman.
Disciplines
Religions, droits et libertés
Ce neuvième module HEMED pose la question de la prétention des religions à légiférer et de leur capacité à construire et à imposer un cadre légal apte à assurer un régime d’équité entre les fidèles. La question se corse quand il s’agit de résoudre le problème des droits et des libertés à accorder aux minorités religieuses. Ces questionnements déjà particulièrement difficiles se complexifient encore avec l’irruption de la modernité et la construction d’autorités étatiques ne se réclamant plus d’une religion particulière et ne fondant plus (ou non exclusivement) leurs législations sur les préconisations des autorités religieuses. De puissants conflits de magistère opposent les tenants du droit religieux aux défenseurs des droits de l’homme. Les situations restent très contrastées des deux côtés de la Méditerranée. Alors qu’il reste difficile voire impossible pour les citoyens des États majoritairement musulmans de changer de religion ou de professer l’athéisme, en Europe ce n’est plus tellement la liberté du non-croyant ou de la minorité religieuse qui pose question mais celle du confessant qui attend que ses convictions et sa liberté de religion – professer, porter des signes religieux distinctifs, se nourrir selon les prescrits religieux… – ne soient pas bridées par la loi.
Liberté de religion et prosélytisme. Quelques exem...
Le prosélytisme peut être défini comme une activité qui consiste à exposer sa pensée à autrui en vue de la conduire à l'adopter à son tour. Le but de faire connaître ses convictions est donc de manière générale de convaincre autrui de leur bien-fondé afin d'obtenir son adhésion, adhésion qui, dans le cas d'un prosélytisme religieux, pourrait se traduire en conversion. Si le terme prosélytisme n'était pas péjoratif à l'origine, il a pris dès le milieu du XIXème siècle une nuance dépréciative et polémique, notamment suite aux missions d'évangélisation dans les pays colonisés. Aujourd'hui, le prosélytisme est souvent perçu comme agressif et lié à une forme de contrainte ou même de violence. Pourtant, de nombreuses religions demandent à leurs fidèles de propager leurs croyances et de chercher à convertir de nouveaux adeptes. On peut donc se demander si un droit au prosélytisme fait partie de la liberté de religion et quelles sont les limites d'un tel droit. La liberté de religion est garantie dans un grand nombre de constitutions nationales, ainsi que dans des traités internationaux. Elle fait l'objet de l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948, et de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), adoptée en 1950. Juridiquement, il n'y a pas une liberté de religion dont le contenu serait unanimement reconnu, mais de nombreuses interprétations faites par les différentes cours nationales et internationales de ce que protège cette liberté. On s'intéressera ici à la jurisprudence de la Cour européenne de droits de l'homme (CourEDH) qui applique les droits et libertés garantit dans la Convention européenne des droits de l'homme. On verra que bien que la jurisprudence de la CourEDH dessine un droit au prosélytisme, la sphère de protection de ce droit demeure floue et ses limites discutables.
Droits et libertés des minorités religieuses dans ...
Pour s'interroger sur les droits et libertés des minorités religieuses dans l'espace germanique, on peut commencer l'analyse en 1648, parce que la paix de Westphalie, qui clôt à cette date la Guerre de Trente Ans, est aussi le cadre juridique dans lequel évolue le droit confessionnel en Allemagne jusqu'à la fin du Saint Empire en 1806. Ce n'est pas un simple traité de paix : elle consiste en une profonde refonte des institutions politiques de l'Empire, qui embrasse tous les aspects. Dans ce cadre, la dimension confessionnelle de la paix a beaucoup retenu l'attention des historiens. Elle constitue en effet une sorte de singularité en Europe, parce qu'elle est l'une des seules tentatives de régler politiquement et juridiquement la bi-confessionnalité (entre protestants et catholiques) de manière durable, et d'organiser la coexistence sans prendre en compte les controverses théologiques, et sans les trancher sur le fond.
Calvin rédacteur de la Déclaration des Droits de l...
Dans un discours prononcé en 1909, Émile Doumergue, auteur d'un monumental ouvrage sur le réformateur Calvin, défendait l'idée selon laquelle les « vraies origines de la démocratie moderne » plongeraient leurs racines chez Calvin lui-même. Il écrivait notamment à l'occasion du quatrième centenaire de la naissance du Réformateur : « S'il est incontestable que la Déclaration des Droits de l'homme [Doumergue fait bien sûr allusion à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen promulguée par la Révolution française.] est le drapeau qui flotte sur le plus de pays du monde, en attendant qu'il flotte sur tous, il n'est pas moins incontestable que cette Déclaration, non pas dans la forme exacte que lui donna accidentellement la Révolution, mais dans [ses] éléments constitutifs et impérissables, ne vient ni de l'Amérique, ni de l'Angleterre. Elle vient tout d'abord des disciples français de Calvin et de Calvin lui-même. »
Abattage « rituel » et circoncision : liberté reli...
En Europe, la liberté religieuse, qui comprend la liberté de conscience mais aussi la liberté d'exercer publiquement sa religion est inscrite dans les constitutions des différents États. Il s'agit d'un droit fondamental, revendiqué et progressivement installé en Europe depuis le XVIIIème siècle. La liberté religieuse figure également parmi les principes de la déclaration universelle des Droits de l'Homme de l'ONU adoptée en 1948.Elle est également garantie par le droit international, et principalement par l'article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe. La Cour européenne des Droits de l'Homme, chargée de faire respecter la Convention, a développé une abondante jurisprudence à propos de l'article 9.Le développement des droits de l'enfant, en tant que personne humaine jouissant de droits spécifiques, est plus récent. Les conceptions sociétales et juridiques du statut de l'enfant ont évolué : l'enfant, objet de droit, voire même propriété de son père, a tout d'abord fait l'objet de mesures de protection, avant de devenir véritablement sujet de droit, titulaire de droits spécifiques. Ces droits lui sont garantis par la Convention internationale relative aux Droits de l'Enfant des Nations Unies, adoptée en 1989. Ce texte consacre une nouvelle notion de droit international privé, l'intérêt supérieur de l'enfant.Les droits des animaux n'ont pas fait l'objet d'une convention internationale. En matière de bien-être animal, les institutions internationales n'ont adopté aucun instrument linéaire. Tout au plus une « Déclaration universelle des droits de l'animal » a-t-elle été proclamée par la Ligue internationale des droits de l'animal le 15 octobre 1978 au siège de l'UNESCO à Paris. Le bien-être animal est régi par des normes qui relèvent tantôt de l'agriculture, tantôt de la santé publique, tantôt de l'environnement. En ce qui concerne l'abattage des animaux destinés à la production de viande, une Convention du Conseil de l'Europe en encadre les conditions depuis 1979.Toutefois, le bien-être animal constitue une préoccupation de plus en plus forte parmi les sociétés européennes, et il fait désormais l'objet de législations nationales ou régionales spécifiques ; ainsi, le récent Code wallon du bien-être animal, qui est entré en vigueur dans la région méridionale de la Belgique le 1er janvier 2019 et qui garantit les droits de l'animal, défini comme un être sensible. De même, la compétence du bien-être animal apparaît désormais parmi les attributions ministérielles dans plusieurs pays.
Islam et liberté de conscience : débat entre droit...
Après le printemps arabe en 2011, plusieurs États majoritairement musulmans ont choisi de modifier leurs textes constitutionnels. Ce fut l'occasion pour plusieurs d'entre eux d'adhérer aux conventions internationales des droits de l'homme, dont celle concernant la liberté de croyance, en faisant cependant toujours référence à l'état de droit, de liberté et de justice sociale, d'une part, tels que conçus dans les normes internationales et à la shari'a, d'autre part. Parmi ces États figure le Maroc, qui a fait le choix de faire figurer dans sa constitution ces deux piliers A ce niveau-là une problématique se pose ; elle se focalise sur l'adéquation conceptuelle entre le droit musulman, basé sur le Coran et la sharia'a, et les droits de l'Homme concernant la liberté de croyance. En effet, les textes des constitutions et des conventions internes des états arabo-musulmans (Charte arabe des droits de l'homme, la déclaration des droits de l'homme en islam, la déclaration islamique universelles des droits de l'homme, la déclaration de Marrakech, ...) présentent plusieurs éléments d'incompatibilité avec la Déclaration universelle des droits de l'Homme en particulier concernant le droit d'un musulman de choisir de changer de religion. Comment ces textes traitent et intègrent-ils le concept de « liberté de religion » ? Et à quel point ces textes se contredisent-ils avec les textes universels sur le plan du droit à la liberté de croyance ?
Liberté et religion d'après Gibran Khalil Gibran (...
Que nous parlions de liberté, de religion ou des deux à la fois le défi est le même. En leur nom, l'humanité a enduré et a subi des guerres atroces et la réflexion autour de ces deux termes a fait couler beaucoup d'encre : les visions se sont multipliées tantôt se complétant, tantôt s'opposant.Parmi les hommes de lettres qui ont prôné à travers leurs écrits la liberté et ont tenté de définir le sens de la religion selon leur propre conception, apparaît le nom de Gibran Khalil Gibran (1883-1931). En effet, à travers ces écrits il ne cesse d'une part de défendre la liberté de l'être sous tous ses aspects : « La vie sans révolte est comme les saisons sans printemps. La vie sans liberté est un corps sans âme » ; et d'autre part, de définir la religion : « Religion ! Que peut-elle être ? Moi, je ne connais que la vie. La vie est le champ [bonnes pensées], la vigne [bonnes paroles] et le métier à tisser [bonnes actions]... L’Église est en vous, et vous êtes votre propre prêtre. » Et c'est en 1923 qu'il publie son œuvre maîtresse Le Prophète, le fruit de vingt ans de méditation qui lui permet de rendre son message universel en dépassant les préjugés de son époque ainsi que les dogmes de la religion chrétienne et en prônant une religion universelle, synthèse de toutes les religions connues en Orient et en occident (christianisme, islam, hindouisme, soufisme, bahaïsme et théosophie)Beaucoup de question se posent sur le parcours de cet écrivain qui était à la fois romancier, nouvelliste, conteur, chroniqueur, poète et peintre parmi lesquelles les questions suivantes :Dans quel milieu social, culturel et religieux a-t-il été élevé et éduqué ?Comment sa vision du monde a-t-elle été construite, lui, qui était tiraillé entre un Orient enraciné dans les traditions et les mœurs et un Occident aspirant à l'ouverture et à l'intégration dans la mondialisation ?Quelle est sa vision du monde et des préoccupations humaines y compris la liberté et la religion ? Comment s'est-elle transformée en un message universel ?
Les Tanzimats : religions, droits et libertés dans...
Dès sa naissance au début du XIIIe siècle dans la partie orientale du monde islamique, l’État ottoman a su reprendre à son compte le patrimoine juridique et jurisprudentiel perse et seldjoukide et en faire les piliers de sa construction étatique. Par la suite et tout au long de ses six siècles d'histoire, il a réussi à agréger diverses traditions juridiques constituant un ensemble de textes connu sous différents noms : Kanun-name, adalet-name ou siyaset-name, régissant aussi bien l'administration et la justice que les affaires militaires et financières. Deux grandes périodes peuvent être distinguées dans l'histoire de l'Empire ottoman. Des origines, jusque 1839 et le début de la période des Tanzimat, la shari'a est la source toute législation. Avec les Tanzimat, la législation est réformée en profondeur. A travers les grandes étapes des réformes : le Hatt-i Sharif de Gülhane en 1839, le Hatt-i Humayoun en 1856 et la promulgation de la constitution ottomane en 1876, de nombreuses dispositions antérieures sont abandonnées. En témoigne en particulier l'adoption du code civil ottoman (Majalet al ahkam al adlya) qui constitue un changement juridique et doctrinal majeur dans l'histoire de l'Empire. L'objectif de cette étude sera de comprendre comment les normes juridiques de l’État ottoman étaient fixées et de mesurer à quel point les Tanzimat constituent une rupture dans l'histoire de la législation d'un Etat musulman.
Religions, droits et libertés - Le Webdocumentaire
Ce neuvième module HEMED pose la question de la prétention des religions à légiférer et de leur capacité à construire et à imposer un cadre légal apte à assurer un régime d’équité entre les fidèles. La question se corse quand il s’agit de résoudre le problème des droits et des libertés à accorder aux minorités religieuses. Ces questionnements déjà particulièrement difficiles se complexifient encore avec l’irruption de la modernité et la construction d’autorités étatiques ne se réclamant plus d’une religion particulière et ne fondant plus (ou non exclusivement) leurs législations sur les préconisations des autorités religieuses. De puissants conflits de magistère opposent les tenants du droit religieux aux défenseurs des droits de l’homme. Les situations restent très contrastées des deux côtés de la Méditerranée. Alors qu’il reste difficile voire impossible pour les citoyens des États majoritairement musulmans de changer de religion ou de professer l’athéisme, en Europe ce n’est plus tellement la liberté du non-croyant ou de la minorité religieuse qui pose question mais celle du confessant qui attend que ses convictions et sa liberté de religion – professer, porter des signes religieux distinctifs, se nourrir selon les prescrits religieux… – ne soient pas bridées par la loi.